BANANIA
Ce pin's BANANIA fabriqué par CORNER a longtemps été considéré par bon nombre de collectionneurs comme une pièce FR3, une de nos chaînes télévisuelles publiques. Signée THALASSA, elle a incité à commettre cette erreur d'attribution malgré le manque évident de relation entre la boisson chocolatée et le magazine de la mer de Georges PERNOUD.
Rien de tout cela, THALASSA était un fabricant d'objets d'utilités et de décoration très souvent inspirés des grands succès publicitaires comme celui du zouave BANANIA. Un fournisseur privilégié des boutiques d'articles de table et de cuisine que l'on trouve aujourd'hui dans nos villes, des magasins aux couleurs de LUSTUCRU, VACHE QUI RIT, BANANIA ou LU, très achalandés en vaisselle, plateaux, sets de table, tabliers, boîtes métalliques, plaques émaillées et ustensiles.
Je remercie Norbert au passage pour son aide précieuse au rétablissement de la vérité.
Le tirailleur sénégalais BANANIA est un des plus grands classiques de la publicité, aussi célèbre que le bébé CADUM ou le bibendum MICHELIN. Ces icônes appartiennent désormais à l'histoire de notre société consumériste née au début du XXème siècle. Mais il fut contesté à juste titre pour ses connotations colonialistes et sa condescendance raciale. Il symbolise aujourd'hui les comportements honteux et inhumains des pays coloniaux vis a vis des populations autochtones. Il a disparu en 1967 des paysages publicitaires et emballages de la marque pour faire bizarrement une réapparition en 2005.
C'est une des rares pièces que je connaisse qui reprend la célèbre image modernisée du zouave BANANIA. La première expression graphique de ce personnage arrive en 1915 sous le pinceau de Giacomo de Andreis,
Pour preuve de l'exemplarité du tirailleur BANANIA dans l'imagerie de la publicité, le voici, ci-contre, repris en emblème de l'Art publicitaire pour le pin's commémoratif de la première foire internationale dédiée à cette spécialité. La pièce n'est pas signée. Le personnage tire la langue comme pour faire un pied de nez à l'image docile véhiculée par sa version originale.
Un peu d'histoire avec WIKIPEDIA
Pierre Lardet, le fondateur de la marque Banania, tire profit du premier conflit mondial en décidant d'associer sa boisson à l'effort de guerre. Il envoie sur le front quatorze wagons remplis de poudre de Banania distribuée aux poilus dans les tranchées. Une légende veut qu'un tirailleur sénégalais blessé au front fût rapatrié à l'arrière et employé à la fabrication de la poudre Banania dans l'usine de Courbevoie. C'est en la goûtant qu'il se serait exclamé, la gamelle et la cuillère à la main, « Y'a bon ».
Le peintre Giacomo de Andreis représente en 1915 sur l'affiche publicitaire au ciel couleur de banane, un tirailleur sénégalais hilare (avec le fez rouge prolongé d'un pompon bleu et la culotte bouffante de zouave) dégustant un bol de chocolat Banania avec une cuillère, commenté par « Y'a bon » (« c'est bon » en français tirailleur). Giacomo de Andreis s'inspire en fait de la propagande de la campagne du Maroc de 1908 à 1913 qui met en scène sur des cartes postales des noirs souriants avec les slogans « Y'a bon capitaine », « Y'a bon pinard », « Y'a bon cuisine » : d'autres se servent de cette interjection pour qualifier le soldat noir, c'est le cas par exemple pour l'hebdomadaire Le Miroir qui titre sur sa une le 13 juillet 1913 « Y a bon » [sic], sous la photographie d'un tirailleur sénégalais cadré en buste.
Au fil des années, l'ami Y'a bon passera d'une représentation « réaliste » jusqu'à un dessin simplifié plus « cartoon » sous le pinceau de l'affichiste Hervé Morvan, réduit à sa tête et sa main tenant une cuillère, mais toujours identifiable à son fez rouge, le corps n'étant plus que l'assemblage de deux bananes.
À partir des années 1930, Banania lance des produits dérivés représentant l'ami Y'a bon sous de multiples gadgets en présentoir, en anse d'emballage, en découpage.
L'image du tirailleur disparaît des publicités en 1967 (il est remplacé par un simple écusson reprenant cependant la symbolique du visage du tirailleur puis en 1970 par un enfant blondinet souriant) car jugé par certains comme une représentation caricaturale à caractère raciste des Noirs africains. En 1977, le slogan « Y a bon ! » disparaît également de la boîte.
En 2005, la polémique resurgit en raison d'un nouveau produit Banania mis en vente par le nouveau propriétaire de la marque depuis 2003, Nutrial. On peut voir sur la boîte du produit une représentation moderne de l'ami Y'a bon, bien reconnaissable cependant grâce à son fez rouge. Le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais a dénoncé ce nouveau produit, qualifiant son emballage de raciste. Pour le collectif, ces représentations « véhiculent, notamment auprès des jeunes, une image péjorative, dégradante et raciste des personnes de couleur noire, qu’elles présentent comme peu éduquées, s’exprimant de manière primaire et à peine capables d’aligner trois mots en français. ». Nutrial se défend (« Ce petit garçon est synonyme d’intégration ») avant de retirer son slogan de l'Institut national de la propriété industrielle. L'ami y'a bon finissant par totalement disparaître des rayons des supermarchés le 20 mai 2011, le MRAP ayant obtenu gain de cause.
Le personnage a donné à son nom à un court-métrage franco-allemand de 2004, L'ami y'a bon, réalisé par Rachid Bouchareb, et ayant pour thème la vie de tirailleurs sénégalais durant la seconde guerre mondiale jusqu'à la mort de 70 d'entre-eux lors de l’émeute connue sous le nom de massacre de Thiaroye.
J'apporte un rectificatif à l'affirmation de Wikipedia au sujet de la disparition de l'ami y'a bon des emballages BANANIA en 2011. Je l'ai retrouvé hier dans les rayons de mon supermarché, preuve de la ténacité des publicitaires et lobbies de l'industrie alimentaire qui viennent à bout de certaines résistances par les voies juridiques.
Chroniques de la honte
Les actions intentées par le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples) contre cette symbolique Banania ne sont ni illégitimes ni injustifiées.
Il suffit pour s'en convaincre de constater les tristes et affligeants détournements qui en sont faits encore de nos jours.
La bête n'est pas morte, le sang des tirailleurs sénégalais n'a pas pu acheter le respect et la considération qui leur est due.
PUB
PUB - BANANIA - 1930
Date de dernière mise à jour : 09/02/2019