Mon Angoulême à moi, en propre ... perso
Sans la bande dessinée ce site n'existerait pas. La BD fait partie intégrante de ma vie, je suis tombé dedans quand j'étais petit, elle m'a accompagné dans mes réflexions, mes joies, mes peines. Ses grands auteurs m'ont apporté une certaine vision du monde, une attitude philosophe et poétique, une pensée universelle nourrie de la multiplicité des expressions graphiques.
C'est à travers la bande dessinée que je me suis intéressé au pin's, je le préfère issu d'un beau dessin, porteur d'une image bien composée, séducteur immédiat de l'œil.
Je suis resté 42 ans sans répondre à l'appel du Festival d'Angoulême, me réservant pour d'autres manifestations du genre plus modestes. Angoulême était éloigné, d'un accès routier difficile, et sa notoriété toujours grandissante rendait sa fréquentation plus impersonnelle.
Cette année, pour la 43ème édition du festival, j'ai eu l'opportunité de séjourner dans la ville pendant toute la durée de l'évènement. J'ai donc fait la totale, histoire de me rattraper un peu, de m'immerger délicieusement et complètement dans ce flot de bulles et de m'en mettre jusque là.
Je vous ferai grâce d'un reportage comme il en existe plusieurs sur le net, les majors de l'édition BD se sont chargés de leur promotion par moultes videos, exemple, non, je voudrais vous simplement vous relater mes impressions de découverte d'un festival mondialement reconnu aujourd'hui. Si vous n'êtes jamais allé à Angoulême voilà ce qui vous attend.
L'originalité de ce festival réside dans le fait qu'il investit toute la ville. Angoulême, en temps normal, affiche déjà son attachement et sa dévotion au 9ème Art par de multiples peintures murales décorant certains immeubles et édifices, son mobilier urbain, des statues à l'effigie d'auteurs ou de héros BD, un musée permanent de la bande dessinée que j'ai trouvé bien plus didactique et moderne que celui de Bruxelles. Ajoutez la participation active de tous les commerçants au décorum thématique du festival, les vitrines et devantures vous rappellent que vous êtes au pays des bulles, sous le règne de sa majesté Le Crayon. Les estaminets exhibent croquis et dessins de signatures prestigieuses bien encadrés, témoins de passages mémorables de belles personnalités dans leurs murs.
Je suis arrivé à Angoulême mercredi 27 janvier, la veille du festival, c'est la veillée d'armes, tout est déjà en place, dernières finitions avant de donner le coup d'envoi. On sent d'ores et déjà une effervescence pointer, une certaine excitation à l'approche de l'évènement. Deux marchands bouquinistes ont élu domicile dans un local ouvert, rue Hergé, la grande rue piétonne, et proposent BD d'occasion et objets para-BD en apéritif, pour donner un avant-goût et faire patienter les premiers arrivants.
Et c'est là que commence mon festival avec la découverte d'une pépite qui rappellera à mon bon souvenir un auteur perdu de vue : Riff Reb's. J'ai mis la main sur un exemplaire quasi neuf, accompagné de son ex-libris, de Hommes à la mer, véritable joyau de la collection Noctambule aux éditions SOLEIL paru en octobre 2014. J'apprendrai par la suite que cette trouvaille est assez rare dans le circuit de la BD d'occasion, en effet, ce genre de publication très prisée par les BDphiles collectionneurs reste ancré dans les bibliothèques. Oui, car, fort de cette aubaine et charmé par les pages sublimes de cette adaptation littéraire de haut vol, je me suis documenté et mis à la recherche des deux autres opus constituant la trilogie de la mer de Riff Reb's.
En 2009 paraissait A bord de l'Etoile Matutine, adaptation du roman éponyme de Pierre MAC ORLAN, toujours chez SOLEIL, dans la même collection Noctambule, et en 2012 c'est le récit de Jack LONDON, Le Loup des Mers, qui constitue le deuxième volet de la trilogie.
J'ai fait chou blanc à Angoulême pour trouver ces deux ouvrages dont les rééditions s'épuisent très vite, j'ai pu me les procurer depuis sur le marché de l'occasion internet en parfait état. Ce festival, pas encore commencé, portait déjà à ma connaissance quelques œuvres majeures qui avaient échappé à ma vigilance, la prolifération des parutions BD d'aujourd'hui nécessite une surveillance régulière pour en maîtriser le rythme.
Les centres d'intérêts du festival sont multiples, des pavillons sont dressés pour l'occasion sur les esplanades et les places, chacun accueille un domaine spécifique de la bande dessinée, vous composez votre programme à la carte selon vos centres d'intérêts. Le musée de la BD, le théâtre d'Angoulême, le musée du papier, la chambre de commerce et d'industrie, l'espace FRANQUIN et d'autres édifices permanents abritent les expositions et spectacles du festival.
Il vous faudra bien quatre journées pleines pour explorer le FIBD dans toutes ses dimensions, à moins d'un don d'ubiquité vous manquerez inévitablement des rendez-vous simultanés, il vous faudra faire des choix et être particulièrement attentif au timing du programme.
J'ai décidé pour ma part de la jouer cool, de me laisser déambuler tranquillement, au gré de mes envies, pour déguster sans stress les instants les plus conviviaux que procure le festival. Les Jeudi et Vendredi sont les deux journées les plus calmes, à mettre à profit pour visiter les pavillons plébiscités par la foule. Samedi et Dimanche attendez-vous à une affluence accrue et choisissez bien vos destinations.
J'ai bien apprécié la bonne humeur constamment rencontrée auprès de tous, le public BD est très sympathique et détendu, la politesse est de mise même au plus fort de la fréquentation.
LE MONDE DES BULLES HALL 1
C'est le pavillon des grands éditeurs, des majors, CASTERMAN, DARGAUD, DELCOURT, GLENAT, SOLEIL, etc ... Le moins intéressant à mes yeux, j'avais l'impression d'être dans les rayons de le FNAC ou de CULTURA, autrement dit au supermarché de la BD, rien de bien exaltant à tirer de ce passage effectué au pas de charge.
L'obtention d'une seule dédicace monopolisera une grande partie de la journée et épuisera votre tenue de la station debout, je n'ai même pas essayé.
LE MONDE DES BULLES HALL 2
Bien plus significatif celui-ci avec les éditeurs étrangers, les mangas et un espace d'exposition.
J'ai pu y rencontrer Dimitri KENNES, le sympathique directeur/fondateur des éditions belges KENNES qui ont eu la bonne idée de publier les aventures de GUIBY, petit héros québécois de 3 ans et demi, créé par SAMPAR et initialement au catalogue des éditions Michel QUINTIN.
Bercé par l'école belge et la BD française de puis mon plus jeune âge je ne suis pas très proche de l'univers du manga mais j'ai bien aimé les expositions du quartier Asie de ce hall qui mettaient à l'honneur le magazine manga HiBaNa et l'auteur hongkongais Li Chi Tak à découvrir de toute urgence.
ESPACE PARA-BD
Je l'ai fréquenté trois fois pendant le festival, vous y trouvez les marchands d'occasion, les figurinistes, les fabricants de plaques émaillées, de produits dérivés, et les éditeurs de sérigraphies, d'affiches, d'ex-libris, marque-pages et tirages de luxe limités.
Je n'ai trouvé qu'un seul marchand présentant des pin's, une pauvre vitrine remplie de pièces de piètre qualité et sans raretés. Une affichette invitait le visiteur à demander d'autres classeurs disponibles à la consultation, ce que je fis, mais le vendeur revint désappointé, les fameux classeurs n'étaient pas du voyage à Angoulême. Un jeune couple connut le lendemain la même désillusion devant moi, je les consolai en leur donnant ma carte synonyme d'entrée au Pin's Museum.
Si le pin's n'est pas d'actualité à Angoulême il n'en va pas de même avec le badge qui connait un certain engouement. Bien meilleur marché que le pin's et d'une mise en fabrication facile, le badge a séduit les publicitaires et les producteurs de colifichets de culte. La culture manga participe principalement à cet émergence actuelle, le revival du badge des 70's est notoire, peut-être débouchera-t-il sur celui du pin's ? Qui sait ?
Thomas BROQUET, alias BATHROOM QUEST.
En dédicace de GLORY OWL au stand des Editions MEME PAS MAL.
LE NOUVEAU MONDE
C'est mon pavillon préféré, celui des éditeurs indépendants et BDs alternatives, c'est le rendez-vous indispensable pour trouver les ouvrages moins bien servis par la grande distribution, ceux que vous ne rencontrerez que dans les librairies spécialisées BD ou les "bonnes" librairies.
En tête de cortège de ces maisons d'éditions quelques noms prestigieux, ardents défenseurs de la bande dessinée d'auteur, à qui l'on doit la publication d'immenses artistes comme Robert CRUMB, Daniel CLOWES, Sergio TOPPI, Charles BURNS, JANO, LOUSTAL, ce sont les Editions CORNELIUS, MOSQUITO, ACTE SUD, L'ASSOCIATION, LES REQUINS MARTEAUX, MEME PAS MAL, et toute une kyrielle de petits éditeurs zélés qui offrent une chance à de jeunes auteurs en recherche de lectorat.
De mes visites du Nouveau Monde je retiendrai plus particulièrement le stand des Editions MOSQUITO déjà rencontrées en 2015 au salon "Textes & Bulles" de Damparis (39). Outre la pertinente et somptueuse publication exclusive des œuvres de Sergio TOPPI, ces serviteurs éclairés de la BD nous font périodiquement découvrir de grands auteurs étrangers.
Hannu Lukkarinen, dessinateur finlandais, était sur le stand MOSQUITO pour dédicacer ses albums, j'ai fait l'acquisition du titre Ronkoteus que j'ai soumis à son dessin nerveux et ample, lost in translation, nous nous sommes trouvés sur la même longueur d'ondes.
Un petit détours par Les Requins Marteaux pour les féliciter de la réédition de Gazoline de JANO, ils m'apprennent que KEBRA fera bientôt l'objet d'un traitement analogue, ô ! jouissive nouvelle !
On s'amuse beaucoup aux Editions MEME PAS MAL, quelle joyeuse bande ! Les dédicaces dans ce hall sont à dimension humaine, tout dans la bonne humeur et sans poireauter. Thomas BROQUET, alias BATHROOM QUEST, un des co-auteurs de GLORY OWL, nous dédicace le tome 1 de ce recueil de strips décoiffant.
Pour les amateurs de beaux livres et de littérature fantastique : je vous oriente sur le catalogue OUROBORES des Editions MNEMOS, cette maison propose un florilège de grands auteurs du genre comme H.P. LOVECRAFT , Jules VERNE ou Mathieu GABORIT, illustrés avec talent et justesse par Nicolas FRUCTUS, Aurélien POLICE ou Gérard TRIGNAC.
Quelques références entrent dans le style steampunk, ce qui ravira les amateurs dont je fais partie. Je retiendrai aussi les adaptations de Howard Philip LOVECRAFT dont KADATH, le guide la cité inconnue, quatre récits flamboyants bien servis par une qualité d'édition exceptionnelle.
Angoulême, l'interpénétration du réel et de l'imaginaire à chaque de coin de rue. Ici un mural signé Philippe DRUILLET.
Rencontre fortuite avec Hermann Huppen, alias HERMANN, en préparation d'une interview iTélé, j'ai bien aimé la pose en écho de son dernier héros Old Pa Anderson qui vient de paraître dans la collection Signé du Lombard.
HERMANN reçoit cette année le Grand Prix d'Angoulême pour l'ensemble de son œuvre, à 77 ans, couronnement d'une carrière jalonnée de grande séries comme Bernard Prince, Comanche, Jeremiah, Jugurtha, Nic, Les Tours de Bois-Maury.
Consuter la bibliographie de cet auteur prolifique et talentueux donne le vertige, c'est un très grand monsieur de la BD qui a été distingué cette année.
Je me suis arrêté au stand du dessinateur sud-coréen prodige Kim Jung Gi déjà observé en video sur les réseaux sociaux.
Ce dessinateur est une énigme, un véritable phénomène de foire, sa manière défit toutes les règles en vigueur, ce monsieur est doué d'une faculté paranormale qui lui permet de dessiner comme le ferait une imprimante, sans aucune esquisse préparatoire. C'est très troublant surtout au regard du niveau de qualité de ses prestations.
Le prix de ses ouvrages assez élevé et ses dédicaces payantes ( 50 €uros pièce ) m'ont quelque peu déconcerté, de même que sa mise en spectacle par une caméra. Cette approche très mercantile assumée est un peu choquante dans le milieu de la BD qui privilégie les démarches artistiques.
Les expositions
Outre l'effervescence des pavillons dédiés à l'actualité foisonnante de la bande dessinée il est une activité éminemment recommandable à pratiquer sans modération durant le festival, c'est la visite des expositions.
La production BD actuelle est pléthorique, un discernement éclairé est souhaitable pour choisir ses arbres dans cette forêt. L'étude et la révision des grands anciens sont le meilleur moyen de fortifier ses capacités de jugement.
Nous avons été particulièrement gâtés cette année dans ce domaine avec deux expositions consacrées à deux monstres sacrés du 9ème Art : Hugo PRATT et Maurice De Bevere dit MORRIS.
L'exposition Hugo PRATT, installée à l'espace FRANQUIN, a tenu toutes ses promesses, une reconstitution minutieuse de la carrière et de la vie du dessinateur-aventurier par une sélection de documents et d'originaux magistrale. C'est émotionnellement fort de découvrir ces planches originales, encrées, annotées et colorées de la main du maître, on se sent entrer dans l'intimité de l'artiste et revenir dans le temps à la source d'une œuvre familière.
Au détour de l'exposition je tombe sur l'affichage d'un extrait de conversation d'Hugo PRATT de 1989 qui, pour moi, est la définition la plus juste et la plus concise de la bande dessinée, une véritable déclaration d'amour à cet art subtil qui associe le texte à l'image.
Hugo PRATT était aussi un grand aquarelliste.
Les 70 ans de Lucky Luke
C'est le musée de la bande dessinée qui a accueilli cette magnifique exposition hommage à MORRIS, occasion de fêter les 70 ans d'un héros pourtant toujours jeune et fringant, qui a survécu à la mort de son créateur : Lucky Luke.
Même émotion sur le parcours de cette exposition exclusivement constituée d'originaux gracieusement prêtés par la famille de MORRIS pour l'évènement.
Le classement et la qualité de présentation de ces planches originales ont bien contribué à reconsidérer et apprécier le talent graphique et scénique d'un des membres de la "bande des quatre", à savoir Franquin, Morris, Jijé et Will.
Ces 4 desperados, moins vindicatifs que leurs homologues : les frères, puis les cousins Dalton, ont défini la majeure partie des codes de langage de la bande dessinée moderne.
Cet état de fait conduit à penser que la Belgique est le pays de la bière et de la BD, c'est une prérogative qu'il est difficile de lui contester.
Lucky Luke a connu les plus belles heures de sa longue vie sous le crayon de MORRIS et la plume de René GOSCINNY. Ses aventures participent au mythe de l'Ouest américain au même titre que le cinéma du genre, il fut le héros exclusif de MORRIS qui lui a voué toute sa carrière de dessinateur, bel exemple de fusion affective.
Angoulême, c'est plusieurs festivals dans le festival. Le FOFF, festival off, et le off du off, ouvrent des espaces improvisés à l'initiative d'esprits créatifs et libertaires. J'ai expérimenté aussi ces endroits conviviaux pleins de surprises.
Le souvenir de COYOTE, disparu trop tôt le 9 Août 2015, était bien présent dans les esprits et sur les murs d'Angoulême, le off lui a rendu un hommage simple et amical pour saluer un bon gars de la BD, bien rock'n roll et virtuose.
Un titre qui inaugure la collaboration d'auteurs européens et chinois,
Jean DUFAUX scénarise une histoire dessinée par LI CHI TAK.
Date de dernière mise à jour : 05/01/2022